L’expression du temps

L’expression du temps»
est
le dernier cours que Osmane Redouane a transmis à ses élèves de la
terminale. Ce cours de grammaire qui pouvait être ordinaire en
expliquant comment peut-on passer de l’indicatif au conditionnel, au subjonctif…, s’est transformé en un cours qui a arrêté tous les temps. Celui de Redouane pour toujours
et celui des élèves durant toute la journée d’hier. Les élèves du lycée
Emir Abdelkader étaient en deuil hier. Après une minute de silence à
8h05 du matin dans la cour de l’établissement, les élèves et leurs
professeurs n’ont pas rejoint leurs classes.
Ils se sont dirigés par
groupes vers le domicile mortuaire, pour rendre un dernier hommage à
l’homme de fer que fut Osmane Redouane. De retour devant
l’établissement, les élèves, encore sous le choc, se partageaient les
journaux. Ils ne cachaient pas leurs larmes, ne comprenaient pas la
cruauté de la vie lorsque la mort s’empare d’elle. «Ce n’est pas
possible, je n’arrive pas à l’admettre. Il était debout», témoigne une
lycéenne présente dans la classe où Redouane a soufflé ses derniers
mots. «Il n’arrêtait pas de nous dire qu’il avait du mal à respirer.
Nous lui avons proposé de suspendre le cours et de rentrer chez lui. Il
a refusé, il a insisté pour terminer le cours», raconte un autre élève.
«Il est sorti deux fois pour prendre de l’air. Après avoir terminé le
cours, il nous a donné des exercices et s’est assis sur la chaise,
cachant sa tête entre ses mains. Cinq minutes plus tard, nous avons
constaté qu’il ne bougeait pas, nous lui avons demandé s’il allait
bien, il a hoché la tête, en disant oui et c’est là qu’il s’est
effondré», relate-t-il en larmes. «C’est le meilleur professeur de
français de tout l’établissement. Il nous a inculqué des valeurs et
nous conseillait sur nos études», confient les lycéens sans hésitation.
A leur douleur, s’ajoute celle de tous les élèves de la capitale qui
ont soutenu Osmane Redouane dans son combat pour les droits des
enseignants. Ils étaient prêts en 2003 à se sacrifier pour que
l’enseignant algérien retrouve sa dignité.